Reprenant au début des chapitres des extraits de la Vita sanctæ Odiliæ virginis et se référant aussi aux scènes d’une tapisserie du XVe siècle située dans les bâtiments qui conservent les reliques de la sainte, l’auteur se sert de situations qu’ils évoquent pour faire part de ses expériences pastorales ayant un rapport avec eux, au Mont Saint-Odile et dans les lieux où il a exercé précédemment son sacerdoce. Il s’agit, dans le style catholique, d’un livre rempli de témoignages et « d’émotions » comme l’a noté un critique, qui fait une lecture de la vie de la sainte à la lumière d’expériences actuelles.
Ce livre nous donne l’occasion de rappeler l’importance qu’a sainte Odile, une sainte orthodoxe du premier millénaire, dans le monde orthodoxe. Le Père Macaire de Simonos Pétra lui a consacré une notice sans son Synaxaire en date de sa commémoration le 13/26 décembre. Sa Vie et son tropaire ont été publiés en russe, à l’intention des nombreux pèlerins venus de Russie qui se rendent de nos jours au Mont Saint Odile, lieu où a été bâti le monastère fondé par la sainte, pour vénérer les reliques de celle-ci. Ce lieu magnifique, situé près de la ville d’Obernai sur une hauteur qui domine la plaine d’Alsace, attire aussi des pèlerins orthodoxes venus de France, de Suisse, et d’autres pays d’Europe, y compris la Grèce où un service liturgique complet (Petites Vêpres, Vêpres, Matines, Liturgie) a été composé à l’intention de sainte Odile, que l’on trouvera ici en pdf. Des reliques de la sainte sont vénérées dans plusieurs églises orthodoxes, dont celle du monastère de Pantocrator au Mont-Athos, et des icônes qui la représentent figurent dans de nombreuses sanctuaires orthodoxes. Beaucoup de fidèles orthodoxes ont été guéris de maladies ophtalmiques parfois très graves par l’intercession de la sainte qui, née aveugle, a elle-même recouvré la vue dans son enfance grâce à un miracle. Ces miracles sont souvent liés à l’application de l’eau qui coule d’une source miraculeuse située en contrebas du sanctuaire, au bord d’une route forestière qui mène à un second monastère fondé par la sainte, celui de Niedermunster, aujourd’hui en ruine. En relation avec l’un de ces miracles, un très bel acathiste à la sainte a été composé par Claude Lopez-Ginisty. Nous donnons ci-dessous le texte de la Vie de sainte Odile, extrait des Petits Bollandistes, ainsi que son tropaire et son kondakion
Jean-Claude Larchet
Du temps de l’empereur Childéric II (650-675), vivait un duc illustre nommé Adalric, aussi appelé Ethic. Il était d’origine noble. Son père Liuthéric avait exercé la fonction d’intendant au palais du susdit empereur. Le fils était honnête et voulut, quoique laïc, mener une existence spirituelle. Ce pourquoi il s’enquit d’un endroit favorable au culte divin. Adalric confia son dessein à ses fidèles, et un jour ceux‑ci purent lui signaler que des chasseurs avaient découvert sur la hauteur d’une montagne un site appelé Hohenburg [aujourd’hui le Mont-Saint-Odile, près d’Otrott dans le Haut-Rhin] en raison de la disposition des hautes fortifications : celui‑ci paraissait convenir au vœu du duc. Au temps du roi Marcellin la hauteur devait avoir été fortifiée à cause des nombreuses incursions guerrières. La situation plut au duc. Peu après il y ordonna la construction d’une église ainsi que l’édification des autres bâtiments nécessaires aux « soldats du Christ » (moines), Adalric avait pour épouse une femme de noble lignée, du nom de Persinde, qui était la tante maternelle de saint Léger. Elle était pieuse, distribuait de larges aumônes et écoutait volontiers les Écritures Saintes. Selon la volonté de Dieu, il leur naquit une fille aveugle. Le père en conçut du désarroi car il croyait que Dieu voulait ainsi le punir d’un délit, Rien de tel, pensait‑il n’était jamais arrivé à quiconque de sa famille. C’est pourquoi il donna l’ordre de se débarrasser de l’enfant. La mère plaida la cause de l’enfant. Elle s’appuya particulièrement sur ces paroles que le Christ adressa un jour à ses disciples alors qu’ils le questionnaient à propos de l’aveugle-né : « Ni celui‑ci ni ses parents n’ont péché, mais Dieu veut manifester en lui son œuvre » (Jean 9, 3). Celle référence à l’Écriture ne consola aucunement le duc. Il se répétait que c’était pour lui une grande honte d’avoir une fille aveugle. Conformément à son ordre, la mère devait trouver une homme de confiance qui tuât l’enfant ou l’exilât en un lieu où personne ne pût l’apercevoir.
Apeurée la mère ne sut que faire de sa fille. Finalement, éclairée par l’Esprit Saint, elle trouva une solution. Elle se souvint d’une certaine femme qu’elle avait élevée depuis l’enfance dans sa maison comme l’une des leurs. On l’avait congédiée à cause d’une faute. Elle était mariée et avait un fils. Persinde fit appeler la femme et lui exposa son affliction. Touchée, celle‑ci déclara qu’elle nourrirait et élèverait la fillette jusqu’à la maturité, ce qui consola 1a duchesse Elle prit l’enfant aveugle et la posa dans les bras de la servante avec ces mots : « Je te la remets afin que tu la nourrisses, et qu’elle soit recommandée à mon Seigneur Jésus-Christ. »
La domestique accepta l’enfant avec joie, l’emmena dans sa maison et la nourrit presqu’une année entière. Des racontars commencèrent à circuler parmi les voisins au sujet de cet enfant qui recevait des soins si particuliers. De peur que le secret ne fût découvert, la servante envoya un messager à la duchesse pour l’en informer. Persinde lui donna la consigne de s’enfuir furtivement en un autre endroit nommé Balme [aujourd’hui Baume-les-Dames, situé entre Besançon et Montbéliard], et d’y cacher l’enfant ; et elle ajouta qu’elle avait là‑bas une amie qui pourvoirait à son entretien. La servante obéit et fuit avec l’enfant vers le lieu désigné. Là, elle éleva la fillette au monastère, jusqu’à ce que le Seigneur apparût en songe à un évêque nommé Erhard [évêque irlandais d’Ardagh, alors itinérant en Bavière] et lui ordonna : « Va dans un certain couvent, qui s’appelle Balme ; là tu trouveras une fillette aveugle de naissance ; tu la baptiseras au nom de la Sainte Trinité et lu l’appelleras Odile, et immédiatement après le baptême elle recouvrera la vue. » Erhard se mit aussitôt sur le chemin du monastère et baptisa la fillette par immersion dans l’eau bénite. Lorsqu’il la sortit du baptistère et oignit ses yeux du Saint Chrême, le bandeau de ses yeux se délia et elle éleva un regard clair sur l’évêque. Puis il exhorta les moniales rassemblées à s’occuper avec le plus grand empressement de la vierge consacrée au Christ. Après qu’il eût donné le baiser de paix à sa filleule, il retourna dans son pays.